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Café viennois
31 janvier 2013

Joseph Roth et Bruno Schulz

 

Bruno Schulz


Bruno Schulz, peintre et poète juif polonais, proclama un jour la république des rêves, terre souveraine de la poésie. Il est maintenant dans les herbes folles de l’oubli et aucune république de rêves n’a vu le jour.

Il aura connu en fait l’enfer du monde et sera tué d'un coup de revolver par un SS en 1942. Sa seule tombe restante est son œuvre graphique et littéraire. Trop souvent comparé à Kafka par son humour décapant, ses vertiges creusés dans le quotidien, il reste un secret pour nous.

Et les admirateurs du dessinateur ignorent le plus souvent l’écrivain, les lecteurs de l’écrivain méconnaissent le peintre. Ses multiples visages sont étranges d’autant plus nous ne connaissons pas tous ses tableaux, (un grand nombre de tableaux à l’huile ont été pour la plupart détruits), ni toutes ses fresques murales.



Les récentes manifestations d’octobre 2004 sur le judaïsme en Pologne ont permis de se souvenir de cet étrange écrivain qui la plupart du temps resta dans sa ville. À la différence de tous les « Ulysse » juifs, il recherchera le sens de la vie sur place, en enseignant modestement et paisiblement le dessin, comme Kafka paisible fonctionnaire rivé à Prague. Il créera un monde étrange qu’il va appeler « Les Régions de la grande hérésie ».

Qui est donc ce peintre et ce poète vénéré par Philip Roth et Tadeusz Kantor ?



Bruno Schulz est né en Galicie autrichienne le 12 juillet 1892.

Ce territoire de nulle part écartelé entre Empire austro-hongrois, Pologne, Allemagne et Russie dont me parlait si peu mon père qui naquit là-bas. Il est devenu polonais par le rattachement à la Pologne de sa ville natale, Drohobycz, après 1918. Tôt attiré par la peinture, après avoir dû interrompre ses études d’architecture à cause de la guerre de 14-18, il devait toute sa vie enseigner le dessin dans le lycée du bourg même où il avait ses attaches et où son père, Jacob Schulz, tenait une boutique de marchand de papier.

Dès le début des années 1920, Schulz réalise un premier cycle de dessins, « Livre idolâtre », qui verse à la fois dans le document, l’érotisme et la caricature et reste un témoignage irremplaçable sur la ville de Drohobycz, sa ville natale aujourd’hui partie de l’Ukraine.



Il est venu à la littérature par hasard : sous forme de lettres qu'il envoyait à un ami pour le mettre au courant, sur un mode très inattendu, de sa vie solitaire, des faits et gestes de ses proches et concitoyens, des menus événements de sa bourgade. Les lettres s'organisèrent bientôt en récits : ainsi parurent en 1934 « Les Boutiques de cannelle » et trois ans plus tard « Le Sanatorium au croque-mort ». Et dès la fin des années 1920, la littérature prend le pas sur le dessin.



Il introduira Kafka en Pologne en 1936 en traduisant Le Procès. Le point haut de son œuvre aurait pu être un gros roman « Le Messie », totalement rédigé, il est à jamais perdu.

Car, lorsque la Pologne est envahie au début de la Seconde Guerre mondiale, Drohobycz est occupée par l’armée soviétique. Il est alors commis d'office à de la « peinture artisanale », commandée par les autorités du moment dans le style du réalisme socialiste : portraits de Staline, scènes de la vie rustique.

Les Allemands se saisissent de la ville en 1941 et Schulz, forcé de déménager vers le ghetto, décide de mettre à l’abri ses dessins, ses écrits et sa correspondance.

Après avoir réalisé, sur l’ordre du sous-officier nazi Feliks Landau, un ensemble de peintures murales, pour la villa de la Gestapo et son manège, des polychromies illustrant un conte de fée pour un petit garçon, Bruno Schulz est finalement abattu en pleine rue par les SS, avec deux cent soixante autres juifs, le 19 novembre 1942, de deux balles dans la tête.


Cette cohabitation durant presque un an avec son assassin qui avait fait de lui un esclave, le temps de la fresque échangée contre un peu de soupe et de pain, nul ne pourra le transcrire.

En 2001, des peintures murales de Bruno Schulz ont été redécouvertes dans l’actuelle Ukraine. Certains fragments ont été transportés en Israël, d’autres sont restés en Ukraine.

Il fut l’ami de Witold Gombrowicz, de Kantor et de Witkiewicz qui l’admiraient, de Thomas Mann aussi, lui pourtant qui ne croyait pas beaucoup en ses romans.

Roth

Joseph Roth

Je suis juif d'Europe orientale, et notre patrie se trouve partout où sont enterrés nos morts. (Hôtel Savoy)
La vie de Joseph Roth est un roman, fait d’errances,de mensonges aussi, car Roth était hâbleur, mythomane, et s’inventait bien des récits imaginaires où il était valeureux officier catholique autrichien ou tant d’autres choses encore.
Il s’exilait déjà intérieurement avant d’aborder le grand exil.
« Surtout chantre de l'exil absolu pour qui l'exil réel à Paris ou la fuite dans l'alcool ne furent jamais que l'ultime métaphore d'une vie et d'une œuvre qui furent toujours « loin, mais loin d'où ? » (Claudio Magris).

Moses Joseph Roth est né le 2 septembre 1894 dans une famille juive à Brody en Galicie, une province reculée de l’Empire austro-hongrois, située dans l’actuelle Ukraine.
La Galicie est retirée loin du monde. Mais elle a une joie qui lui est particulière, des chants bien particuliers, des êtres bien particuliers et un éclat bien particulier : le triste éclat de ceux qui ont subi l'outrage. (Roth)

Il était le fils de commerçants aisés, sa mère Maria Grübel, appartient à une famille de négociants juifs. Nachum Roth, son père, est issu d’une lignée de juifs hassidiques, et il travaille comme représentant pour une firme de céréales hambourgeoise.
Dans cette Galicie si bien décrite par Isaac Bashevis Singer se mélangeaient chez ses habitants juifs le hassidisme mystique et le rationalisme et la tentation des Lumières.
Dans les lycées impériaux et royaux on enseignait l'humanisme allemand à des populations polonaise, allemande, juive, ukrainienne, pour les assimiler et détruire leur identité. Cet univers de partout et de nulle part à la fois va le marquer à tout jamais.
Mais ce qui va façonner son rapport à la vie est le destin tragique de son père. Son père devient fou peu avant la naissance de Joseph, il doit être interné. Et sa famille cachera ce déshonneur, et Joseph aura donc un père absent qu’il ne rencontrera jamais et qu’il mythifiera en se déclarant fils naturel de pères illustres. Son vrai père meurt en 1910.

Joseph Roth et Stephan Zweig en exil à Paris

 

Comme beaucoup de juifs « éclairés » il refuse de vivre au milieu de langues qu’il juge inférieures, après avoir été élevé à la fois dans le yiddish qu’il ne pratique pas, mais surtout la langue allemande qui le fascine.
« Joseph Roth était un personnage énigmatique dans sa vie plus que dans son travail. Bien que juif, il parlait rarement de sa judaïté. Tourmenté par la pauvreté, il admirait l'aristocratie. Bien que très doué, sa reconnaissance vraiment méritée ne vint à lui qu'à titre posthume. » (Elie Wiesel sur Joseph Roth, dans une critique de Radetzky Marsh, New York Times, 3 novembre 1974)
Après des études brillantes au Kronprinz-Rudolf-Gymnasium à Brody, puis en 1913 des études de philologie à Lemberg, il s'inscrit la même année à l'université de Vienne pour des études de littérature allemande qu'il interrompt en 1916 pour partir sur le front comme correspondant de guerre. Pendant la guerre, Roth publie de très nombreux articles et poèmes dans des revues praguoises ou viennoises.
Il est follement amoureux de « sa ville » Vienne :
« Mais Vienne est ma ville. D'ici, je t'offre une couronne, un manteau de pourpre et un sceptre. La couronne d'or de l'imagination, le manteau de pourpre de la solitude et le sceptre de l'ironie.»( Roth).
La Première Guerre mondiale met à bas en 1918, le monde de la monarchie austro-hongroise qui rendra cet homme, à tout jamais irrémédiablement nostalgique de ce supposé âge d’or, tout au long de sa vie.
À Vienne, il travaille pour le prestigieux quotidien Neuer Tag où il tient aussi bien des chroniques de la vie quotidienne que de la vie littéraire.
En 1920 il déménage pour Berlin où il continue son activité de journaliste, tout en observant la montée vers l’obscur de l’Allemagne.


En 1922, sa mère meurt d’un cancer. La même année Roth épouse à Vienne Friederike Reichler.
En 1923, il retourne dans sa chère ville de Vienne et travaille comme correspondant pour le Berliner Börsenkurier et le Prager Tagblatt. Il va publier ses premiers romans La Toile d’araignée en 1923. L’année suivante suivent les parutions de Hôtel Savoy et La Rébellion. Il devient célèbre.
En 1925 il est nommé correspondant étranger de la Frankfurter Zeitung pour laquelle il séjourne en France, qu’il admire, en Pologne, en Allemagne, en Italie, en Tchécoslovaquie, et en 1926 l'Union soviétique. Ce sera son « Voyage en URSS » et comme Gide il rompt brutalement avec le communisme, et même la gauche, pour devenir monarchiste.
Il se lie d’amitié avec Karl Kraus, mais aussi Hofmannsthal, Schnitzler ou Werfel, et surtout Stefan Zweig qui sera son ami inséparable à partir de 1928.

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Commentaires
Café viennois
  • je te conterai l'histoire celle qui n'est pas écrite qui vient rarement pour l'exhumation des rêves j'ai pour preuve le silence transpercé de balles c'est pourquoi je parle à voix basse je conterai l'histoire mais ne la répète pas
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