SarahBernhardt
Sarah Bernardt
Sarah elle-même a usé de ses charmes à ses débuts pour se faire une situation, comme l'indique son inscription dans le « fichier des courtisanes » établi par la Préfecture de police de Paris.On ignore en revanche qui était son véritable père, Sarah ayant longtemps gardé le silence sur son état-civil. Elle eut au moins trois sœurs et souffrit en particulier longtemps de la préférence de sa mère pour sa jeune sœur Jeanne-Rosine, également comédienne. Dans le but de prouver sa citoyenneté française, condition nécessaire pour pouvoir recevoir la Légion d'honneur, elle se créa plus tard un faux acte de naissance en se déclarant fille de Judith van Hard et d'Édouard Bernardt qui selon ses différentes versions appartenait à une riche famille d'armateurs du Havre, ou y était un étudiant en droit. Certaines sources évoquent un officier de marine havrais, du nom de Morel.
Délaissée par sa mère qui choisit la vie mondaine à Paris, elle passe une petite enfance solitaire chez une nourrice à Quimperlé où elle ne parle que le breton. Le duc de Morny, l'amant de sa tante, pourvoit à son éducation en l'inscrivant dans l’Institution de Mlle Fressard puis en 1853 au couvent des Grand-Champs à Versailles où elle reçoit le baptême chrétien : la petite juive y suit des cours de sculpture, peinture (elle décrochera à seize ans un prix à l'Académie des beaux-arts) et verse alors dans le mysticisme catholique. Jouant un rôle d’ange dans un spectacle religieux au couvent, l'adolescente révoltée trouve sa vocation, le théâtre
C'est sans l'ombre d'un doute sa grande passion, elle l'aime autant que sa propre vie, et il le lui rend bien ! Sa renommée de comédienne va promptement devenir internationale. De nombreuses épithètes élogieuses lui sont décernées : La voix d'or, la divine, l'impératrice du théâtre. Elle vivait pour éblouir et magnétiser le public. Parmi les critiques de son temps, ses détracteurs purs et durs furent plutôt rares, donc, effectivement, tout cela peut nous amener à penser que le succès phénoménal que le public lui prodigua ne fut pas intégralement galvaudé. Dans son ouvrage, "Les Contemporains", Jules Lemaître a écrit : "Plus que toute autre, elle aura connu la gloire énorme, concrète, enivrante, affolante, la gloire des conquérants et des césars. On lui a fait, dans tous les pays du monde, des réceptions qu'on ne fait point aux rois." En 1896, le Tout Paris lui consacra une fête grandiose : la journée Sarah Bernhardt ! Ce jour là, l'échappée lyrique d'Edmond Rostand en l'honneur de Sarah surprit l'auditoire et passa à jamais à l'immortalité. Dans la salle les bravos crépitèrent et Sarah Bernhardt fut canonisée à la postérité.
"En ce temps sans beauté, seule encore tu nous restes
Sachant descendre, pâle, un grand escalier clair,
Ceindre un bandeau, porter un lys, brandir un fer,
Reine de l'attitude et Princesse des gestes.
En ce temps sans folie, ardente, tu protestes!
Tu dis des vers. Tu meurs d'amour. Ton vol se perd.
Tu tends des bras de rêves, et puis des bras de chair.
Et, quand Phèdre paraît, nous sommes tous incestes.
Avide de souffrir, tu t'ajoutas des coeurs;
Nous avons vu couler - car ils coulent tes pleurs! -
Toutes les larmes de nos âmes sur tes joues.
Mais aussi tu sais bien, Sarah, que quelquefois
Tu sens furtivement se poser, quand tu joues,
Les lèvres de Shakespeare aux bagues de tes doigts."
Puisqu'il faut bien définir son style théâtral, chez Sarah Bernhardt, il s'agit bien sûr du lyrisme… Lyrisme si cher à Sarah, ainsi que le confirme Cocteau et si opposé au style naturel de notre époque. Les spectateurs adoraient que les comédiens clament leurs vers, et la " déclamation musicale " les enchantait. Nous le concevons fort aisément, Sarah vit alors dans l'époque du Romantisme et joue des rôles romantiques à souhait, d'ailleurs elle devient l'un des brillants symboles de ce courant… Tous ces superlatifs peuvent paraître fastidieux mais n'y voyons aucune étrangeté, puisqu'elle nous a laissé en héritage l'adjectif sarah-bernhardesque ! Il aurait été manifestement plus sympathique de vivre à son époque pour mieux la connaître. Son répertoire théâtral est si diversifié que l'on peut, sans prétention le qualifier d'encyclopédique. Cette comédienne complexe et ambiguë révèle dans les rôles masculins d'Hamlet et de l'Aiglon des dons de transformisme et d'androgynisme étonnants. Ne l'a t'on pas surnommé " la sphinge " (forme féminine de sphinx) !
Sarah Bernhardt révèle quelques "ficelles de son art, son approche du rôle et nous confie "On m'a demandé bien souvent combien d'heures je travaillais par jour. Je n'ai jamais travaillé un rôle. Je travaille le mécanisme, je l'apprends par coeur, mot à mot : je mâche, je triture les phrases de manière à en être absolument maîtresse dans la rapidité du dialogue, mais une fois que je sais parfaitement mon texte, que je le tiens par l'articulation, je ne m'en occupe plus. Tout ce que je dois donner dans la douleur, la passion ou la joie, je le trouve à la répétition dans l'action même de la pièce. [...] On ne doit pas chercher une pose, un cri, rien! On doit tout trouver là en scène, pendant l'effervescence du travail général." Dès que l'osmose avec le public réapparaît, cette complicité si particulière à la fois charnelle et spirituelle, l'artiste ressent de toutes ses fibre les signes du succès et elle s'exclame aussitôt la pièce terminée "le dieu est venu".
Parmi ceux qui lui donnèrent la réplique, nommons: Réjane, Mlle Agar, Marie Colombier, Marie Favart, Sophie Croizette et Jane Harding chez les dames. Mounet Sully, Lucien Guitry père du célèbre Sacha, les frères Coquelin: Constant, l'aîné et Ernest, le cadet ainsi que De Max furent ses partenaires de scène...
Chez les célèbres acteurs de ce temps là, citons Henry Irving dont Sarah mentionna le nom dans ses " Mémoires".
Parmi les grands artistes internationaux : la célèbre tragédienne Eléonora Duse, qui a excellé dans le répertoire du dramaturge suédois Ibsen. Et plus proche de nous, chez les jeunes recues: Marie Marquet, l'ultime maîtresse d'Edmond Rostand, amie et protégée de Sarah joua dans son dernier rôle "La Voyante".
Hugo et Rostand arrivent au firmament des favoris. Victor Hugo fut le plus passionné de ses admirateurs et il lui offrit après la représentation de Ruy Blas un pendentif en forme de larme taillé dans le diamant : " La larme du poète ", fort ému par la prestation artistique de Sarah en Doña Sol.
Plus tard, Edmond Rostand la surnomma pour la postérité " reine des attitudes et princesse des gestes ". Une petite anecdote : lors de la première de l'Aiglon fut installé "le théâtrophone ", le théâtre par téléphone. Ceci, afin qu'Edmond Rostand souffrant puisse l'écouter de son chevet. Le son sans l'image, un événement pour l'époque, en 1900 !