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Café viennois
23 août 2013

Elias Jacques Canetti

 

Elias Jacques Canetti, fils d'une famille juive séfarade, naît en 1905 dans la ville de Roustchouk (actuellement Roussé) sur la rive sud du Danube en Bulgarie à la frontière roumaine. Ses parents, Jacques Elias (Elieser) Canetti et Mathilde née Arditti, sont issus tous deux de familles de commerçants juifs séfarades fortunés.
De nombreuses nationalités, ethnies et langues se croisaient dans cette région. Canetti lui-même, dans le premier tome de son autobiographie, le commente : « (...) et l'on pouvait entendre parler sept ou huit langues dans la journée. Hormis les Bulgares (...), il y avait beaucoup de Turcs (...) et, juste à côté, le quartier des séfarades espagnols, le nôtre. On rencontrait des Grecs, des Albanais, des Arméniens, des Tziganes. Les Roumains venaient de l'autre côté du Danube (...). Il y avait aussi des Russes, peu nombreux il est vrai. ». À la lumière de son œuvre, on comprend que cette multitude de cultures est symbolique d’un état d’esprit européen avant la lettre chez Canetti et a en fait présagé de son futur cursus culturel à travers l’Europe. La première langue qu’il parle en famille est l’espagnol des séfarades : le ladino.
Bien que la Bulgarie obtienne son indépendance totale vis-à-vis de l’Empire ottoman en 1908, Canetti conservera la nationalité turque. Deux frères naissent en 1909 et 1911, respectivement Nissim et Georg.
En 1911, la famille déménage en Grande-Bretagne à Manchester pour que son père puisse rejoindre l’affaire florissante montée par deux de ses beaux-frères suite au décès de l'un d'eux. Puis en 1912, c’est la subite mort du père de Canetti à l’âge de 31 ans. Après ce traumatisme, les Canetti décident de déménager à Vienne en Autriche; ils s'arrêtent en chemin à Lausanne en Suisse, pour quelques mois : c’est là que Mathilde prodigue à son fils, de manière très coercitive, ses premières leçons en langue allemande, uniquement utilisée auparavant entre elle et son mari. L'allemand, si l'on tient compte de toutes les langues parlées dans la famille, n'arrive qu'en cinquième position dans l'éducation du jeune Elias. Il s'agit pourtant de sa deuxième « langue maternelle » stricto sensu. C'est uniquement avec cette langue qu'il bâtira son œuvre, et il lui restera fidèle en tout temps, même en exil.
En 1916, les Canetti quittent l’Autriche et s’établissent à Zurich en Suisse : Elias va passer la plus marquante partie de son adolescence dans cette ville avec laquelle il tissera des liens singuliers. Rapidement et pour des raisons de santé, Mathilde retourne à Vienne et son fils aîné reste seul à Zurich, confié à un pensionnat de jeunes filles (où il est l’unique garçon), afin de pouvoir mener à terme ses études au Gymnasium (lycée). Il passera en 1924 son Abitur (baccalauréat) à l’issue de trois années scolaires passées à Francfort, en Allemagne. À cette époque, c’est déjà le monde de l’art et de la littérature qui le séduit, mais sa famille le presse de suivre un cursus universitaire sérieux.
On sait Canetti fort préoccupé par la connaissance que pouvaient apporter les premiers mythes de l'humanité. Poursuivant ma lecture des Années anglaises, j'avoue que tel article paru dans The Independent le 11 juin, ne laisse pas de me fasciner et fait écho en somme aux intuitions les plus profondes de l'auteur, même si nous ne savons encore rien de la langue parlée par la civilisation première, j'ai envie d'écrire : primesautière, dont il est fait mention dans ce papier. 
En 1947, Canetti écrivait significativement (Le territoire de l’homme , Le livre de poche, coll. Biblio, 1998) : «Pour moi, les mythes signifient plus que les mots. Par cela, je diffère profondément de Joyce. Mais j’ai aussi une autre façon de respecter les mots. Leur intégrité m’est presque sacrée. […] En tant que poète, je vis encore au temps d’avant l’écriture, au temps des appels». Et encore, cette fois dans les Notes de Hampstead (Le Livre de poche, coll. Biblio, 1999) : «Les noms : de tous les mots, les plus énigmatiques. Une intuition, qui me poursuit depuis des années et provoque en moi un trouble grandissant, me dit que l’élucidation de leur nature réelle nous livrerait la clé de l’Histoire. […] Il est évident que tout mythe se rattache au nom. Dans le mythe, le nom est encore frais [c'est moi qui souligne]. Dans les religions, il s’épuise en se démultipliant. Les grandes religions représentent le plus énorme épuisement de noms qu’on puisse imaginer, tout en leur restant liées même dans cet état d’extrême dilution». 
Elias Canetti, Les années anglaises



Après les trois volets de son autobiographie - La langue sauvée, Le flambeau dans l'oreille et Jeux de regard -, Elias Canetti, prix Nobel de littérature et témoin majeur du XXe siècle, s'est penché sur ses " années anglaises ". Rassemblée et ordonnée après sa mort en 1994 à l'instigation de sa fille, cette suite fragmentaire et inachevée de l'" Histoire d'une vie " mêle journal intime et galerie de portraits. Emigré à Londres dès 1939 avec sa femme Veza, Canetti se fait le témoin de l'Histoire et brosse un brillant panorama de la vie britannique pendant et après la guerre. De l'aristocrate au balayeur des rues, il observe avec curiosité les mœurs et le caractère des Anglais, peinant lui-même à s'intégrer dans ce monde dont il dénonce la suffisance et la froideur sous le masque de la courtoisie. Gens de lettres, savants, historiens, politiciens sont croqués avec une causticité redoutable, comme T.S. Eliot, Iris Murdoch ou Margaret Thatcher. Mais Canetti côtoie également, avec plus de bonheur Kokoschka, Bertrand Russell ou Anna Mahler, et se fait une poignée d'amis précieux, Anglais ou Viennois émigrés comme lui. Outre leur intérêt documentaire, ces réflexions et ces portraits reflètent la personnalité profonde et secrète de l'auteur de Masse et puissance, œuvre majeure dont il entreprend la rédaction à Amersham pendant le Blitz.




Peu de choses, dans cet ouvrage, sur les noms, leur pouvoir étrange car, hormis quelques savoureuses anecdotes sur des personnages anglais célèbres (comme le rire démoniaque de Bertrand Russell, la hargne avec laquelle Kathleen Raine cherche à gravir les échelons de la société, encore l'intelligence d'Enoch Powell et un portrait au vitriol d'Iris Murdoch, ancienne maîtresse de l'auteur), la lecture de ces Années anglaises posthumes n'est pas d'un intérêt fondamental pour le lecteur familier des principaux ouvrages de Canetti. L'ouvrage, selon Jeremy Adler qui en a écrit une éclairante postface, constitue un «véritable panorama de la vie anglaise», dont les trous et les béances, que Canetti acceptait comme le témoignage du nécessaire inachèvement de toute vie (et, de façon remarquable, de toute vie de créateur), avaient pour charge secrète de triompher de la mort de l'auteur, en obligeant le lecteur à accepter de ne point tout savoir et, partant, à admettre qu'il en savait moins que le rusé fantôme de l'écrivain. Il est étonnant tout de même de constater la facilité avec laquelle Canetti, exilé à Londres dès 1939 et jusqu'en 1971, a pu sans trop de peine fréquenter tout ce que l'Angleterre comptait d'intelligences et de célébrités, comme T. S. Eliot, l'immense poète pour lequel il n'a jamais de mots assez durs (ainsi parle-t-il des «crachats d'un raté» à propos des vers d'Eliot), alors que ses goûts littéraires (et peut-être aussi son amitié, qu'il ne mentionne guère) allaient vers un autre poète, Dylan Thomas. A le lire, lui, le pauvre écrivain allemand dont seulement quelques lecteurs anglo-saxons passionnés connaissaient à l'époque son roman, Autodafé (Die Blendung), il semblerait tout de même qu'il ait pu devenir le centre d'attraction des raouts les plus prisés, un peu à la façon dont George Steiner, dans Errata, évoque lui aussi ses prestigieuses amitiés, dont quelques-unes si je ne m'abuse étaient bien connues de Canetti (comme Bertrand Russell). Je ne puis résister au plaisir de noter (p. 53) cette remarque borgésienne dans les entrelacements qu'elle suppose : «Il [H. N. Brailsford] s'intéressait alors à tout ce qui avait trait aux Balkans mais aussi aux juifs d'Espagne et avait acheté à vil prix sur un barrow l'ancienne édition (XVIIe siècle) de l'histoire des Turcs, de Rycent. Cet ouvrage est d'une grande importance parce qu'il contient une biographie de Sabattai Zevi écrite à son époque. Brailsford m'offrit ce livre pour la seule raison que j'étais juif d'origine espagnole. C'était l'ouvrage le plus ancien de ma bibliothèque et il valait sûrement une fortune. Je l'offris plus tard à Gershom Scholem lorsqu'il me rendit visite à Hampstead.»

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Commentaires
Café viennois
  • je te conterai l'histoire celle qui n'est pas écrite qui vient rarement pour l'exhumation des rêves j'ai pour preuve le silence transpercé de balles c'est pourquoi je parle à voix basse je conterai l'histoire mais ne la répète pas
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