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Café viennois
12 février 2013

Charles Lewinsky

 

harles Lewinsky est né en 1946 à Zurich. Il a étudié la littérature allemande et le théâtre. Dramaturge, scénariste et romancier, il a obtenu, pour son précédent roman Johannistag (2000), le prix de la Fondation Schiller. Melnitz, salué par la critique comme une prouesse littéraire, a été qualifié de Cent ans de solitude suisse.

Léa Marcou a traduit plus d'une trentaine d'ouvrages, documents, essais et romans importants. Elle a été touchée de retrouver, dans la bouche des personnages de Melnitz, le judéo-allemand que parlaient ses parents - un langage aujourd'hui largement disparu.

Melnitz, c'est la saga des Meijer, une famille juive suisse, de 1871 à 1945 - de la guerre franco-prussienne à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Retour indésirable Charles Lewinsky traduit de l’allemand par Léa Marcou Grasset 509 pp., env. 22,90

Qui se souvient de Kurt Gerron, de son destin inouï et tragique ? Né dans une famille juive à Berlin en 1897, il est le comédien, le metteur en scène et le réalisateur le mieux payé d'avant-guerre (L'Opéra de Quat'sous avec Brecht, L'ange bleu avec Marlène Dietrich). Courtisé par Hollywood, il refuse de partir. La Gestapo l'arrête en 1940. Comme beaucoup d'autres artistes juifs, il est enfermé au camp de Therensienstadt. Là, Rahm, SS-Obersturmführer, lui commande un film de propagande sur la vie du camp : Le Führer offre une ville aux juifs.
Pourquoi Gerron accepte-t-il de tourner ce film ? C'est la question récurrente et aussi le point de départ de ce roman vrai. Le pacte que Gerron accepte livrera à jamais au monde une image ignoble et mensongère, déformera la vie qu'il a connue à l'intérieur de Theresienstadt, bafouera la souffrance et l'horreur vécues par tant de milliers de gens. Son film sera une trahison, jusque dans la promesse de lui valoir la vie sauve.

 haque fois que je quitte la Suisse pour me rendre dans ma maison en Franche-Comté, j'aperçois par la fenêtre du train, entre Bâle et Mulhouse, le panneau indiquant que nous passons en gare du petit village de Sierentz. Et chaque fois, je me promets de descendre du train un de ces jours et d'explorer l'endroit. Je ne l'ai encore jamais fait. Peut-être de peur d'être déçu. Car c'est à Sierentz que tout a commencé. Y compris, en fait, l'histoire que je raconte dans mon roman. .
C'est mon arrière-arrière-grand-père - dont le fils m'a légué mon prénom français - qui, au dix-neuvième siècle, a quitté Sierentz pour s'installer en Suisse. A cette époque, la chose était devenue possible, car la Suisse venait de signer avec la France un traité de commerce où était stipulé que tous les citoyens français devaient pouvoir s'établir en Suisse librement. Même s'ils étaient juifs. Et c'est ainsi que mon ancêtre put ouvrir son commerce de tissus dans la petite ville de Baden, tandis que, comme auparavant, ses coreligionnaires helvétiques n'étaient autorisés à résider que dans les deux " villages juifs " : Endingen et Lengnau. C'est-à-dire là où commence l'histoire de Melnitz
Même si mon aïeul s'y connaissait au moins aussi bien en soieries et crêpe de Chine que mon personnage Janki Meijer, ce roman ne décrit pas pour autant l'histoire de ma propre famille. Dans les séances de questions suivant des manifestations culturelles, je dois toujours préciser que " Non, mes personnages ne sont pas des oncles déguisés ou des tantes sous un faux nom, ce sont des personnages inventés, bien que placés dans un environnement réel. " Pour être honnête, ma vraie famille n'a jamais été assez intéressante pour peupler un roman. A l'exception d'un oncle que l'alcool pouvait mener à des comportements très étranges et d'une tante qui, à mes yeux d'enfant, paraissait avoir des dimensions gigantesques, tous ses membres étaient en fait fort insignifiants. A eux tous, ils fourniraient sans doute juste assez de matière pour une nouvelle.
Parfois (et cela me donne toujours mauvaise conscience) j'ai l'impression que les personnages de mon roman sont bien plus proches de moi que ma famille réelle. Je ne serais pas vraiment surpris de découvrir soudain, dans un vieil album photo, un portrait de Hannele. Elle fixerait l'objectif d'un air sévère et on lirait sur son visage qu'elle considère cette nouvelle mode de photographier à tout bout de champ comme une perte de temps. A ses côtés, Janki, le dos raide, à la militaire, et les deux mains appuyées sur sa canne. Et peut-être qu'à la page suivante surgirait Mimi, la bouche entrouverte pour reprendre sa respiration car, désireuse de faire bonne impression à la postérité, elle a fait serrer bien trop fort son corset, et coiffée d'un chapeau à plumes de cygne noires. Puis à la page d'après…
Un jour, il m'est vraiment arrivé quelque chose de ce genre. Un petit épisode où se sont confondus l'imaginaire et la réalité. J'avais décrit l'inauguration du drapeau d'une association juive de gymnastique et avais imaginé un porte-drapeau en costume Vieille Allemagne, avec une toque et des gants à longs revers, terriblement digne et un brin ridicule. Et puis, alors que le livre avait déjà paru, je suis tombé sur une photo de la véritable inauguration du drapeau. On y voyait ce porte-drapeau, vêtu exactement comme je l'avais imaginé, et lui aussi légèrement ridicule. Or ce porte-drapeau était mon grand-père !

On raconte que Balzac se perdait régulièrement dans Paris quand il venait de terminer un roman. Parce que les rues nées de son imagination étaient devenues, pour lui, plus réelles que les vraies. Mon cas n'a jamais été aussi grave. Mais si un jour un parent inventé surgit devant moi au détour d'une rue, je le saluerai sans aucun étonnement. "

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Commentaires
Café viennois
  • je te conterai l'histoire celle qui n'est pas écrite qui vient rarement pour l'exhumation des rêves j'ai pour preuve le silence transpercé de balles c'est pourquoi je parle à voix basse je conterai l'histoire mais ne la répète pas
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