Elegie à MARINA TSVÉTAÏEVA (Rilke)
ÉLÉGIE À MARINA TSVÉTAÏEVA
de Rainer Maria Rilke
Ces pertes dans le Tout, Marina, ces étoiles qui croulent !
Où que nous nous jetions, vers quelle étoile, nous
ne l'accroissons pas : le compte est toujours déjà clos.
Ainsi, qui tombe ne diminue pas le chiffre saint.
La chute renonçante choit dans l'origine et, là, guérit.
Tout ne serait-il donc que jeu, change du Même ou transfert,
et nulle part un nom, la place à peine d'un intime gain ?
Nous vagues, Marina, et mer ! Nous profondeurs, et ciel !
Nous terre, Marina, et printemps mille fois, ces alouettes que l'irruption du chant jette dans l'invisibilité ! Nous l'entonnons en joie, déjà il nous a dépassés, et soudain, notre poids rabat en plainte le chant. Mais la plainte ? N'est-elle pas joie cadette, inversée ? Les dieux d'en bas aussi veulent être loués : si naïfs qu'ils attendent, comme l'écolier, l'éloge ! De la louange, aussi, laisse-nous être prodigues ! Rien n'est à nous. A peine si nous entourons de notre main le col des fleurs incueillies. J'ai déjà vu cela au bord du Nil, à Kôm-Ombo. Les rois se renonçant versent ainsi la libation. Comme les anges marquent l'huis de qui doit être sauvé, c'est ainsi qu'apparemment tendres, nous touchons ceci ou cela. |
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