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Café viennois
2 février 2013

Elegie à MARINA TSVÉTAÏEVA (Rilke)

ÉLÉGIE À MARINA TSVÉTAÏEVA
de Rainer Maria Rilke

Ces pertes dans le Tout, Marina, ces étoiles qui croulent !
Où que nous nous jetions, vers quelle étoile, nous
ne l'accroissons pas : le compte est toujours déjà clos.
Ainsi, qui tombe ne diminue pas le chiffre saint.
La chute renonçante choit dans l'origine et, là, guérit.
Tout ne serait-il donc que jeu, change du Même ou transfert,
et nulle part un nom, la place à peine d'un intime gain ?
Nous vagues, Marina, et mer ! Nous profondeurs, et ciel !

Nous terre, Marina, et printemps mille fois, ces alouettes
que l'irruption du chant jette dans l'invisibilité !
Nous l'entonnons en joie, déjà il nous a dépassés,
et soudain, notre poids rabat en plainte le chant.
Mais la plainte ? N'est-elle pas joie cadette, inversée ?
Les dieux d'en bas aussi veulent être loués :
si naïfs qu'ils attendent, comme l'écolier, l'éloge !
De la louange, aussi, laisse-nous être prodigues !
Rien n'est à nous. A peine si nous entourons de notre main
le col des fleurs incueillies. J'ai déjà vu cela au bord du Nil,
à Kôm-Ombo. Les rois se renonçant versent ainsi la libation.
Comme les anges marquent l'huis de qui doit être sauvé,
c'est ainsi qu'apparemment tendres, nous touchons ceci ou cela.


Au déjà emportés si loin, Marina, si distraits, même sous le plus profond prétexte. Faiseurs de signes, rien de plus.
Ce commerce léger, quand l'un de nous ne s'en arrange plus et se décide à prendre,
se venge et tue. Qu'il ait pouvoir de mort, en effet, nous l'avions tous compris à voir sa tendre retenue,
et la force étrange qui fait de nous vivants des survivants. Non-être, Sais-tu combien de fois
un ordre aveugle à travers l'antichambre glacé de nouvelle naissance nous porta ? Nous ? en corps fait d'yeux
sous des paupières innombrables disant non ? Porta le coeur terrassé de toute un race en nous ? Vers quelque but de migration
porta le vol, l'image aérienne de nos changements.


Les amants ne devraient, Marina, n'ont pas le droit d'en savoir trop sur leur déclin. Il leur faut être neufs.
Leur tombe seule est vieille. Leur tombe seule, de plus en plus sombre sous l'arbre sanglotant, se rappelle à jamais.
Leur tombe seule casse ; eux sont souples comme l'osier, l'outrance qui les ploie les tresse en riche couronne.
Comme ils s'effacent dans le vent de mai ! Du centre du Toujours où tu devines, tu respires, l'instant les exclut.
(Comme je vous comprends, ô féminines fleurs sur le buisson toujours le même. Et me répands de force dans l'air de la nuit
qui va vous effleurer.) Les Dieux on tôt appris à feindre des moitiés. Nous, inscrits dans l'orbite,
nous sommes devenus pleins comme le disque de la lune. Même à la phase décroissante, ou aux semaines du tournant,
nul qui puisse nous rendre à la plénitude, sinon non pas, seuls, au-dessus du paysage sans sommeil.

 

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Commentaires
Café viennois
  • je te conterai l'histoire celle qui n'est pas écrite qui vient rarement pour l'exhumation des rêves j'ai pour preuve le silence transpercé de balles c'est pourquoi je parle à voix basse je conterai l'histoire mais ne la répète pas
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